La rentrée parisienne de Pascale Marthine Tayou

L’artiste camerounais a été invité le 17 octobre dernier pour la réouverture du Musée de l’Homme à Paris.

© Le Monde – 2015

Cette année Pascale Marthine Tayou est partout : au centre d’art le Cent Quatre, où il fête les 25 ans de la galerie Continua #galeries#présentation ; à la Galerie Aveline-Rossi #galeries#présentation, où ses œuvres côtoient du mobilier français du XVIIIe siècle. Mais c’est surtout au Musée de l’Homme, où il a été invité pour la réouverture le 17 octobre, qu’on l’attendait au tournant. Que vient donc faire l’artiste camerounais dans un établissement créé en 1938, en pleine période coloniale, pour raconter l’histoire de l’homme dans son unité et sa diversité ?
« J’ai accepté parce que le musée est dans une logique de remise en cause, confie-t-il. Je ne veux pas être dans un combat qui n’est pas de ce siècle. Ou plutôt je pense qu’il faut rentrer dans le combat de façon collective, sans mettre les uns d’un côté, les autres de l’autre. C’est une exposition de bienvenue dans le nouveau musée, dans la nouvelle attitude du musée. »

Un homme libre

Pascale Marthine Tayou n’est pas de ceux qui déroulent leur vie et œuvre en chapitres successifs. En vrai conteur, il égare et étourdit  pour mieux enchanter. Sa parole est à l’image de son installation immersive Tayouwood, cacophonie de récits en forme de pointe d’ironie.

Pascale Marthine Tayou n’est pas dans le magistère, même avec ses étudiants de l’école des Beaux-Arts de Paris, où il est le premier enseignant africain. « Je leur apprends à se dévêtir de ce qui les encombre, confie-t-il. On pense que faire de l’art contemporain c’est être libre. Ce n’est vrai que si vous interrogez le chapelet de codes. » Né en 1967 à Nkongsamba, sept ans après l’indépendance du Cameroun, il se définit avant tout comme un homme libre. Un homme qui s’interroge aussi, très tôt. « Dans nos cahiers d’écolier, on nous parlait de révolution française mais jamais de ce qu’on était nous, des enfants de Bayangam [village à l’ouest du Cameroun], rapporte-t-il. On a un diplôme, mais on n’est pas face à notre réalité. »
C’est cette réalité, avec ses freins et ses déterminismes, que l’artificier met en branle, dynamitant leurres et clichés. Ses sujets, il les puise dans la mondialisation, la pollution, le réchauffement climatique ou encore les flux financiers, qui donneront lieu à une fausse monnaie à son effigie, l’Afro. « …je mets le doigt où ça fait mal, pas pour faire mal, mais pour que ça guérisse vite ». Ses armes ? Le recyclage, l’hybridation, la prolifération.

« Je suis un coupé-décalé »

Plutôt qu’à Paris, c’est à Gand, en Belgique que Tayou a décidé de s’installer. « C’est trop facile d’être à Paris. J’avais envie de prendre des risques, d’être loin de ceux qui pensent être à l’origine de la lumière, raconte-t-il. Je suis un coupé-décalé comme disent les Ivoiriens : coupé de tout et décalé en même temps. On me dit que je ne suis pas assez africain. Ma flémitude n’a pourtant pas de problème avec mon afritude. »
Des problèmes, certains en ont avec ses œuvres. Par trois fois, il a fait l’objet de vandalisme. A l’église Saint-Bonaventure à Lyon, sa Colonne pascale, composée d’un empilement de soupières en métal émaillé, fut renversée en 2011. Cette année, à la Serpentine Gallery #galeries#présentation à Londres, un inconnu a dessiné un cœur sur une sculpture. « C’est un mot d’amour, mais c’est le baiser de Néron », dit-il de son langage imagé. Dans les deux cas, il a refusé que les traces du délit soient effacées. Cet été, une pièce en forme de rouge à lèvres, qu’il avait posée sur une cheminée d’usine dans le centre d’art Izolyatsia à Donetsk, en Ukraine, a aussi été détruite par les forces armées pro-russes. « Je n’ai pas de haine, déclare-t-il. Il n’y a pas de place pour les mauvaises herbes dans mon jardin».
Ne vous fiez pas à ce ton faussement clément. L’ironie de Tayou est mordante. Elle nous claque au visage comme le Boomerang, qui a donné le titre à son exposition cet été au Bozar de Bruxelles. Il y avait exposé un nuage de coton d’où sortaient des pieux acérés, référence aux esclaves des plantations mais aussi à la pollution. Car les œuvres de Tayou sont à multiples fonds. Ses jolis fétiches en verre emmaillotés de tissus ou barrés de bouts de bois sont tout en rage contenue. « Je suis un parfait sauvage,reconnaît-il. Et je tiens à ma sauvagerie. »

La réouverture du Musée de l’Homme a eu lieu le 17 octobre 2015, 17, place du Trocadéro, 75016 Paris,

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