C’est quoi l’Art Contemporain Africain? Points de vue

L’art contemporain africain est partout ! Depuis la rentrée 2015, de la Fondation Cartier au Théâtre de Chaillot, de « Picasso.mania » au Louvre, en passant par le Frac Aquitaine, les expositions montrent l’extrême créativité du continent.

Les manifestations institutionnelles et privées le concernant se multiplient et les artistes originaires des quatre coins du continent occupent le devant de la scène, leur #cote connaissant une courbe ascendante. Ce phénomène est d’abord et avant tout la conséquence de deux expositions majeures qui ont marqué l’histoire de l’art contemporain des trente dernières années. « Les magiciens de la terre », tout d’abord, imaginée en 1989 à Paris par #Jean-Hubert Martin, alors directeur du Musée national d’art moderne, dans le contexte des festivités commémoratives du bicentenaire de la Révolution française. Un véritable coup de tonnerre dans le Landerneau du monde de l’art visant à faire valoir l’intérêt esthétique de toute une production artistique volontiers considérée comme “exotique ” et ordinairement reléguée en arrière-plan. Cette exposition, mondialiste avant l’heure, ne réunissait pas moins de dix-sept artistes africains, originaires de 12 pays différents, comptabilisant plus de 17 % des 98 artistes présentés.

La seconde exposition, intitulée « Africa Remix », organisée à Düsseldorf en 2004 par #Simon Njami, écrivain et critique d’art d’origine camerounaise, cofondateur de la Revue noire, a été quant à elle successivement présentée à Londres puis au Centre Pompidou en 2005, à Tokyo puis à Stockholm en 2006 et, enfin, à Johannesburg en 2007. « J’ai pris des thématiques universelles pour voir comment les artistes africains pouvaient y répondre : l’histoire, l’identité, la terre, la ville, le corps, l’âme… », expliquait alors le commissaire. Une telle tournée a évidemment contribué à l’internationalisation de l’art contemporain africain que la présence par la suite dans les grandes « messes » de l’art contemporain n’a fait que conforter.

Points de vue

Des réalités africaines différentes
Si l’exposition des « Magiciens de la terre » a été déterminante pour dessiller les yeux du public au regard d’une production artistique tenue en marge, « Africa Remix » a non seulement participé à la diffusion dans le monde de la richesse et du potentiel créatif de la scène africaine contemporaine mais a favorisé l’intégration d’un grand nombre d’artistes dans le réseau économique du marché de l’art contemporain. Cette situation nouvelle a conduit à toutes sortes de questionnements esthétiques par rapport, au premier chef, au concept même d’« art contemporain contemporain ». Peut-on vraiment en parler comme tel ? Si, sur le plan géopolitique, force est de parler d’une entité qui s’appelle l’Afrique, qui se développe sur un territoire de plus de 30 millions de km2, compte cinquante-quatre états souverains et une population d’environ 1,1 milliard d’individus, encore faut-il dire que, du nord au sud et d’est en ouest, les différences géographiques, économiques et culturelles sont considérables. Aussi peut-on vraiment parler d’art africain ? Pour Simon Njami, la chose est claire et il convient de prendre en compte justement cet amalgame : « Impossible de définir un Homo africanus quand, en Afrique, il y a l’Algérie, le Maroc, l’Égypte, l’Afrique du Sud… Même avant l’arrivée des premiers Européens, l’Afrique était déjà un vaste bastringue de circulation et les gens se mélangeaient… Il n’y a pas d’authenticité africaine donc si ce n’est celle du mélange et de l’appropriation. La contemporanéité est là-dedans, elle est dans ce mélange, dans cette espèce de bastringue dont on ne sait plus distinguer les origines. »

En vérité, il n’y a pas d’« art africain », il y a des « artistes africains » et chacun utilise le médium qui lui convient pour s’exprimer au mieux de ses possibilités et de son talent. Pas plus enfermés dans une pratique ou dans une tradition que n’importe quels autres artistes – qu’ils soient occidentaux ou non –, les artistes africains partagent en revanche une histoire coloniale, chargée de mémoire et de conséquences, qui constitue comme un socle commun à leur culture et dépasse largement les limites géographiques d’un seul continent. Et Simon Njami de préciser : « Pour moi, l’art africain contemporain n’existe pas et s’il y avait une définition du point commun de tous les artistes africains, ce serait une définition qui s’appliquerait à l’Amérique latine ou aux Caraïbes. Ce sont des endroits dont on a parlé mais auxquels on n’a pas laissé voix au chapitre. ».  Pour ma part je retiens la référence à une culture africaine, celle de son pays d’origine, voire à une tradition.

Cet éclatement de l’art africain contemporain se retrouve dans la diaspora à travers le monde, sa diffusion n’étant pas toujours le fait des Africains eux-mêmes et c’est souvent  hors d’Afrique qu’ont lieu la plupart des expositions africaines et la plupart des débats sur la question de l’identité esthétique.
Comme on pouvait le lire dans un récent supplément du Monde consacré aux Débats du Monde Afrique, qui ont eu lieu à Abidjan les 10 et 11 septembre derniers, « pour transformer son potentiel esthétique en valeur économique, l’Afrique doit encore créer tout un écosystème : musées, écoles, galeries, foires… » À noter qu’en 2014, les investissements étrangers ont été en hausse de 136 % par rapport à l’année précédente et que « 51,8 % des projets ont visé les secteurs des technologies, des médias, des télécommunications, des services financiers et de la distribution des biens de consommation », il faut espérer qu’une partie soit reversée à l’ordre de l’activité culturelle. Ce serait là une façon pleinement prospective pour que l’art africain contemporain émerge et rayonne à partir même de son territoire…

Sources : Bérénice Geoffroy-Schneider, Journal des Arts – Novembre 2015

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