Le Mercredi 11 janvier 2017, les Amis du Palais de Tokyo étaient à l’heure de l’Afrique !
Le Tokyo Art Club recevait 4 intervenants qui sont venus témoigner sur ce que l’Art en Afrique a été, et devient aujourd’hui dans un contexte d’économie mondialisée, au delà d’un registre purement classificatoire quand il s’agit de s’exprimer sur ” l’Art Africain (1) “… – Aperçu de la soirée –
Existe-t’il un “Art Africain” ? (2)
Des textes indispensables sur cette thématique, comme la thèse de Babacar Mbaye Diop “Critique de la notion d’art africain” ou l’analyse de Iba Ndiaye Diadji dans “Impossible Art Africain”, ont pris position sur cette question qui interpelle. Depuis, de nombreux débats ont donné la parole à des voix souvent éclairantes, sur ce qui fonderait ou non, “l’africanité (3)” d’un objet ou d’une oeuvre…
Gaëlle Beaujean, 1ère intervenante, responsable des Collections Afrique au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac et conseillère scientifique, est venue présenter le parcours de la prochaine exposition dont elle est la commissaire, “l’Afrique des Routes” qui se tiendra à partir du 31 janvier 2017.
Elle a intitulé l’une des thématiques du parcours, celle qui traite de l’Art Contemporain Africain, “la nation des artistes”, soulignant ainsi une forme de “porosité culturelle” qui fait que certaines des œuvres d’artistes non africains se “confondent” avec la création artistique du Continent et ce, au delà du concept même d’africanité, avant de conclure son intervention en rappelant sa “collaboration ” avec Barthélemy Toguo, lors de ses recherches sur des photos anciennes de Bandjoun, au Cameroun.
#Barthélemy Toguo était le 2ème intervenant de cette conversation. Artiste camerounais de renommée internationale, l’année dernière il fut l’un des 4 finalistes du Prix Marcel Duchamp 2016 – dont 3 candidats étaient originaires du continent africain -, avec sa très belle installation “Vaincre le Virus ” (Courtesy of Galerie Lelong – Paris-).
L’une des ses œuvres est par ailleurs présentée en ce moment dans le hall de l’exposition inaugurale “Essentiel Paysage” au Musée d’Art Contemporain Africain Al Madeen – MACAAL- à Marrakech.
Night Singers, 2014 (Courtesy of Contemporary African Art Collection by Jean Pigozzi)
Barthélemy Toguo est venu présenter #BandjounStation (4), le centre culturel unique en Afrique, qu’il a créé au Cameroun. Revenant sur son #Appel de Dakar, discours qu’il a prononcé à la réunion des Ministres de la Culture d’Afrique pour expliquer que “l’Art est une source de développement économique”, il a rappelé que l’enjeu pour le continent était de soutenir ses artistes … Et de construire un Marché de l’Art !
Puis ce fut au tour d’#Omar Ba, artiste plasticien sénégalais, pluridisciplinaire et engagé, qui aborde dans son travail, quelque que soit le médium utilisé, des thèmes politiques et sociétaux qui prévalent en Afrique. Il a choisi de présenter la nouvelle thématique sur laquelle il travaille, l’eau qui “déborde”, dont il réalise une video pour l’ONU, dénonçant ses méfaits au Sénégal notamment…
(Courtesy of artist – Omar Ba)
Il s’est ensuite exprimé sur les enjeux pour un artiste plasticien travaillant sur le continent, constatant qu’il y a encore “du chemin à faire” pour reconnaître un statut professionnel à l’artiste, souvent résumé au seul musicien au Sénégal, en oubliant le plasticien… Il a rappelé enfin que si les collectionneurs existent sur le continent, ces derniers considérent parfois que l’œuvre d’art doit y être achetée à un prix moindre que si elle était vendue en Europe ou ailleurs dans le monde, alors qu’il est crucial pour un artiste de vendre à un prix aligné quelque soit le pays de diffusion, afin a minima de soutenir sa cote…
Emo de Medeiros, 4ème orateur a, quant à lui, présenté son concept de “TransAfrique” à partir d’une de ses vidéos Kaleta/Kaleta SFI #002 (Bahia-Ouidah-Beijing), issue d’une de ses propositions artistiques du même nom, comprenant plus de 400 vidéos et une série de photographies (projet démarré en 2012 et présenté au Palais de Tokyo en 2014). Son travail, au delà d’une intention formelle, révèle les analogies d’une culture planétaire en explorant les interactions culturelles (la vidéo filme une tradition au Bénin, le Kaleta datant de la 1ère moitié du 19ème siècle d’origine afro-brésilienne).
Artiste plasticien franco-béninois pluridisciplinaire, Emo de Medeiros explore dans ses propositions artistiques, son « manifeste », à savoir que l’Afrique est en train de se « transculturer avec le reste du monde …. le continent vit une mutation sans précédent dans l’histoire de l’humanité, au travers de la gestion de l’espace urbain notamment, ce qui génère une accélération de fait dans le processus de transformation…”.
En filmant ce “culte pour rire ” (cérémonie inspirée d’halloween, au rythme de pas de danse issus d’une tradition du Royaume d’Abomey), durant laquelle des enfants revêtant des costumes et masques bigarrés arpentent les rues à la recherche d’étrennes, Emo de Medeiros révèle un syncrétisme culturel propre au Bénin… et de plus en plus exprimé sur le Continent.
Dans ce temple de l’art vivant qu’est le Palais de Tokyo, et parmi le concert des événements parisiens dédiés à la scène contemporaine africaine, depuis la rentrée et jusqu’au printemps prochain, cette soirée a donné un coup de projecteur à l’Art du continent africain d’hier et d’aujourd’hui, par la voix de ces ambassadeurs éclairés et engagés.
Marion Dupuch-Rambert, Conseiller en Collection d’Art contemporain Africain (5)
- Le terme”Art africain” qu’il soit ancien ou contemporain est un registre classificatoire spécifique qui permettrait à des artistes d’être plus visibles sur la scène internationale ; l’identification de l’artiste en tant qu’africain est le plus souvent le reflet d’une tendance curatoriale, voire marketing, du fait du systeme de cotation du marché de l’art
- Titre d’un article de Phillipe Dagen paru dans la revue Critique d’art N°26, en 2005
- Léopold Sédar Senghor définit l’africanité comme : « un groupe de valeurs communes aux plus anciens habitants de l’Afrique » et le rapproche ainsi de la négritude qu’il définit comme : « l’ensemble des valeurs culturelles de l’Afrique noire ». L’africanité peut être assimilée à un outil conceptuel qui permet d’appréhender ce qui est commun aux différentes civilisations africaines.
- Bandjoun Station est un espace de création et de résidence pour artistes que Barthélémy Toguo a érigé près de Bafoussam (Ouest du Cameroun) en 2008, et qu’il finance, en partie, à partir de la vente du Café produit à Bandjoun Station et dont il peux fixer le prix grâce à un emballage lithographié,qu’il vend comme une oeuvre d’art. Et aussi grâce à l’association Les Amis de Bandjoun Station, dont il a mis à disposition les bulletins d’adhésion d’Amis à Amis…. C’est une manière, par l’art, de revisiter ce que Léopold Sédar Senhghor appelait les termes de l’échange au profit cette fois du continent…
- Consiste à accompagner et assister lors d’acquisitions d’œuvres d’art – tant au niveau du choix artistique que des aspects financiers et règlementaires, puis lors de leur gestion ( logistique, conservation et/ ou cession) – des institutions, des particuliers ou des entreprises qui souhaitent constituer ou développer une collection d’Art, avec une spécialité, les artistes du continent africain et de sa diaspora.