Pourquoi Dak’Art 2018 marque un tournant pour le Marché de l’Art Contemporain en Afrique…

La 13ème édition de la Biennale de l’Art Africain Contemporain vient de se clôturer après un mois de propositions artistiques et culturelles foisonnantes et de grande qualité. Et dès son inauguration, les enjeux de cet évènement continental à échelle internationale, ont été soulignés rappelant l’importance de la structuration du Marché de l’Art sur le Continent pour « faire de la culture un levier de croissance économique et valoriser les ressources créatives … de l’Afrique (1) ». 

Or c’est un défi majeur aujourd’hui à relever, que de pouvoir conserver les richesses là où elles sont produites, notamment à l’heure digitale qui permet aux Art lovers du monde entier d’acquérir où qu’ils se trouvent… des œuvres d’art en ligne. 

Alors au moment de la clôture de cette 13ème édition (3 mai – 2 juin 2018) des enseignements ont déjà été tirés (2), comme notamment l’organisation de lieux de rencontres spécifiques entre les artistes et les acquéreurs potentiels dès la prochaine biennale afin de promouvoir la commercialisation des œuvres exposées, tant dans la sélection officielle que dans les très nombreux évènements OFF.

Par ailleurs des annonces fortes ont été faites pour l’ensemble des intervenants de la chaine de valeur du Marché de l’Art – de la production à la diffusion de l’oeuvre, en passant par sa valorisation – et des exigences rappelées, comme :

  • La recherche de financement innovant pour la création
  • La formation des artistes, comme de l’ensemble des acteurs de la chaine de valeur du marché de l’art, en vue de la professionnalisation du secteur
  • La prise en charge plus concrète des industries et entreprises créatrices, et notamment les galeries et entreprises culturelles qui soutiennent la production et la diffusion de l’œuvre
  • La prise en compte des droits patrimoniaux de l’artiste, dans une volonté plus globale de lui donner un statut professionnel ainsi que les moyens de revendiquer ses droits sur ses oeuvres

Cette volonté affirmée de développer un cadre règlementaire, juridique et fiscal pour le développement d’un marché intérieur au Sénégal, et au-delà comme notamment dans la sous-région (Zone UEMOA), marque un tournant pour le Marché de l’Art Contemporain sur le Continent…

D’exigences formulées aux mesures mises en œuvre, il y a quelques pas … Mais de façon très pragmatique, en associant les intervenants concernés (artistes, institutionnels, curateurs, collectionneurs, art advisors notamment) et en n’hésitant pas à « reprendre » ce qui fonctionne ailleurs, tout en l’adaptant au marché intérieur, on favorisera cette création de richesses au sein d’un marché intérieur, et alors la valorisation du métier d’artiste ! On incitera aussi la demande de plus en plus exprimée, soit les collectionneurs et amateurs d’art contemporain de plus en plus férus – grâce notamment à la visibilité croissante sur le marché international de l’art contemporain des œuvres d’artistes du Continent et de la diaspora africaine  – à acquérir les oeuvres de leurs artistes sur le Continent…

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Courtesy of La Biennale de Dakar 2018 (Sélection officielle) – Copyright Olanrewaju Tejuoso (Nigéria)

On est maintenant dans l’attente de la mise en place de nouveaux mécanismes de financement pour l’Art et la Culture, tenant compte notamment du mécénat et de la fiscalité des entreprises (ce qui permettrait notamment de transférer aux opérateurs privés une partie du financement des œuvres), comme de la promotion de dispositifs innovants pour le financement de la production d’une oeuvre d’art ou autres projets culturels… Et le crowdfunding (3) en est un, en permettant à toute personne de participer financièrement à la production d’une oeuvre ou d’un projet culturel. Et cette année, grande première dans une édition de Dak’Art, voire dans une biennale… un artiste (4) de la sélection officielle a financé une œuvre créée in situ par cet outil de financement participatif !

En instaurant un cadre juridique, règlementaire et fiscal dès la production de l’œuvre et jusqu’à son acquisition, et notamment comme le réclamait Ousmane Sow (5) un droit de suite (6) afin que l’artiste et ses héritiers bénéficient du produit de ses créations, alors, après l’Heure du Réenchantement (7) puis celle de la Transformation (8),  un signal fort est donné au Marché de l’Art, ainsi qu’aux amateurs et collectionneurs d’Art Contemporain d’artistes du Continent  :  celui de l’Heure de la Maturité…31531170_10156379857244375_5335637047187079168_n

  • (1) Discours d’inauguration de la Biennale par le Président de la République Macky Sall
  • (2) Intervention du Ministre sénégalais de la Culture, Abdou Latif Coulibaly,
  • (3) Crowdfunding: https://www.afecreation.fr/pid14215/crowdfunding.html
  • (4) Emo de Medeiros, artiste franco-béninois : https://www.kickstarter.com/projects/197245514/u-biennale-de-dakar-installation?lang=fr
  • (5) Ousmane Sow, artiste sculpteur sénégalais de renommée internationale, membre de l’Académie des Beaux-Arts en France est décédé en 2016 et rappelait que « nous créateurs avons besoin d’un droit de suite universel, afin de récolter régulièrement les fruits de nos œuvres et en suivre le destin partout dans le monde ».
  • (6) (http://www.adagp.fr/fr/utilisateur/droit-de-suite
  • (7) la Cité dans le jour bleu – Thématique de Dak’Art 2016 (faisant référence à un poème de Léopold Sedar Senghor.
  • (8) L’Heure rouge – Thématique de Dak’Art 2018 (faisant référence à la pièce d’Aimé Césaire “et les chiens se taisaient”).

Marion Dupuch-Rambert, Art Advisor

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